Les Anonymous : «Internet est né libre et doit le rester»
Nous avons pu participer à la première conférence de
presse virtuelle organisée par des Anonymous. Ils lèvent le voile sur
la stratégie et l'évolution du mouvement.
C’est une interview d’un genre nouveau. Vendredi soir, une centaine d’Anonymous a accepté de répondre à nos questions sur un canal IRC (un salon virtuel de discussion sécurisé). Chaque réponse a été rédigée de façon collective et après débat, seul moyen, selon eux, d'éviter les avis individuels et non représentatifs. Organisé avec France Info, Le Mouv’, Owni.fr et une société de production audiovisuelle, cet entretien permet d’en savoir plus sur un mouvement en pleine mutation qui agite Internet depuis des mois.
Pourquoi avez-vous opté pour cette forme d’interview ?
Nous sommes Anonymous, il n'y a pas de « Je ». Ici, nous
rédigeons des réponses en nous basant sur ce que dit le collectif. Une
voix ne vaut pas plus qu'une autre. Tout le monde se concerte et les
décisions se prennent avec la masse ! Bien sûr, on ne peut pas prétendre
représenter exactement une structure décentralisée (comme les
Anonymous, ndlr), mais cela permet d’en avoir une idée générale, une
tendance.
Pourquoi tenez-vous tant à l’anonymat?
Par souci de sécurité, aussi bien sur le net que dans la vraie vie. Les
Anonymous risquent parfois une lourde sanction pénale, voire pire dans
certains pays. Nous protégeons tous nos identités pour continuer à
exprimer nos idées. L'anonymat permet aussi d’imposer le principe
d'égalité. Il n'y a aucun a priori si on ne connait pas la personne.
Tous les arguments sont pris en compte de la même façon.
Depuis la fermeture de Megaupload, vous avez enregistré l’arrivée de nouvelles recrues ?
Nous avons en effet constaté un afflux important de personnes voulant
adhérer à notre idéologie. Nous avons ouvert spécialement un salon IRC
pour accueillir les nouveaux arrivants, afin de pouvoir leur expliquer
notre fonctionnement. Ils peuvent ainsi s'informer, dialoguer avec nous
et participer s'ils le souhaitent. Mais Anonymous ne dispose d'aucune
structure hiérarchique : les discussions se font toujours via les
différents salons du réseau IRC, les sites ou les forums qui relayent
les informations et où se discutent les différentes opérations.
Vers une coupure mondiale d’Internet le 31 mars ?
Il y a quelques jours, le web a découvert l’« Op. GlobalBlackOut ». Des
internautes se réclamant du mouvement Anonymous ont annoncé vouloir
attaquer les 13 serveurs racines d’Internet (l'infrastructure qui
soutient Internet, ndlr) et engendrer ainsi une coupure mondiale le 31
mars. Mais pour nos interlocuteurs, « cette opération n’a aucune
crédibilité. Tout simplement parce qu’Anonymous n’a nullement
l’intention de rendre indisponible un outil que nous utilisons au
quotidien et que nous défendons fermement ». D’autant que « cette
opération est techniquement irréalisable et reflète le triste niveau des
gens qui l’ont annoncée.
Comment peut-on résumer votre combat ?
Anonymous se bat pour les libertés, la justice
et respect de la dignité humaine, le droit à l'anonymat et le respect
de la vie privée de chacun, sur Internet comme ailleurs. La liberté est
un droit auquel rien ni personne ne peut s'opposer. Anonymous dénonce
toutes les censures existantes, HADOPI, ACTA, SOPA, PIPA (des lois ou
projets de lois français, européens et américains qui, selon eux,
menacent la liberté sur Internet, ndlr) qui nuisent à la liberté de
chacun. Internet est né libre et doit le rester. La connaissance et le
savoir n'ont de valeur que s'ils sont partagés par tous. Nous mettrons
tout en œuvre pour préserver ce droit. Nous ne faisons que défendre des
principes fondamentaux.
Avec les manifestations dans la rue, le mouvement est-il en train d’évoluer ?
Rien n'empêche un individu de prendre part à une manifestation. Elles
permettent de créer une passerelle entre le virtuel et le réel.
Anonymous est une idée née du monde virtuel pour vivre dans le monde
réel... Les manifestations permettent au public d’accéder aux messages
des Anonymous de façon directe. Le mouvement gagnant en ampleur,
celui-ci veut naturellement gagner en visibilité et se séparer de son
image principale de hackers. Nous utiliserons tous les moyens que nous
jugerons bons et nécessaires pour défendre nos idées.
Anonymous et les sites pédophiles
Anonymous s'est attaqué à des sites pédophiles, notamment avec l'« Op.
DarkNet» en octobre 2011 qui a permis de dévoiler plus de 1200
identités. Mais le mouvement en a tiré une leçon: «Il s'est avéré que ça
n'a pas eu que des effets positifs sur l'enquête de police, rendant les
preuves accumulées non recevables devant un tribunal. Ainsi nous avons
aujourd'hui pour mot d'ordre de ne plus intervenir ce sur genre de
terrain, même si nous méprisons les personnes s'adonnant à ce genre de
pratique.»
A l’approche de la présidentielle, que pensez-vous de la classe politique en France ?
Les politiques ont un raisonnement et une logique qui ne s'appliquent
pas au monde numérique. Il faut repenser tout un système plutôt que de
s'accrocher à quelque chose qui s'essouffle. ... Le monde dans lequel
nous évoluons va beaucoup plus vite que celui que nous connaissions il y
a 10 ou 20 ans. En ce qui concerne nos libertés, qu'elles soient
numériques ou non, nous serons présents pour leur rappeler les valeurs
démocratiques et les droits du peuple lors de nos actions et des
manifestations.
Comment voyez-vous l'avenir de votre mouvement ?
Si les gouvernements et les grandes industries prennent en
compte de l'avis des peuples, si dans le futur les dirigeants deviennent
transparents, alors Anonymous n'aura plus de raison d'exister. Mais au
moindre nuage sur la paix et la sécurité de l'Internet, Anonymous
continuera de faire entendre sa voix. Les luttes seront les mêmes
qu'aujourd'hui, même si nos moyens de revendication et de communication
évoluent. Nous serons toujours là pour garantir ce que l'on appelle la
« neutralité du net ».
Auteur : Antonin Chilot
LeParisien.fr- 25 02 2012
http://www.leparisien.fr/high-tech/les-anonymous-internet-est-ne-libre-et-doit-le-rester-25-02-2012-1877842.php
Nous avons pu participer à la première conférence de
presse virtuelle organisée par des Anonymous. Ils lèvent le voile sur
la stratégie et l'évolution du mouvement.
C’est une interview d’un genre nouveau. Vendredi soir, une centaine d’Anonymous a accepté de répondre à nos questions sur un canal IRC (un salon virtuel de discussion sécurisé). Chaque réponse a été rédigée de façon collective et après débat, seul moyen, selon eux, d'éviter les avis individuels et non représentatifs. Organisé avec France Info, Le Mouv’, Owni.fr et une société de production audiovisuelle, cet entretien permet d’en savoir plus sur un mouvement en pleine mutation qui agite Internet depuis des mois.
Pourquoi avez-vous opté pour cette forme d’interview ?
Nous sommes Anonymous, il n'y a pas de « Je ». Ici, nous
rédigeons des réponses en nous basant sur ce que dit le collectif. Une
voix ne vaut pas plus qu'une autre. Tout le monde se concerte et les
décisions se prennent avec la masse ! Bien sûr, on ne peut pas prétendre
représenter exactement une structure décentralisée (comme les
Anonymous, ndlr), mais cela permet d’en avoir une idée générale, une
tendance.
Pourquoi tenez-vous tant à l’anonymat?
Par souci de sécurité, aussi bien sur le net que dans la vraie vie. Les
Anonymous risquent parfois une lourde sanction pénale, voire pire dans
certains pays. Nous protégeons tous nos identités pour continuer à
exprimer nos idées. L'anonymat permet aussi d’imposer le principe
d'égalité. Il n'y a aucun a priori si on ne connait pas la personne.
Tous les arguments sont pris en compte de la même façon.
Depuis la fermeture de Megaupload, vous avez enregistré l’arrivée de nouvelles recrues ?
Nous avons en effet constaté un afflux important de personnes voulant
adhérer à notre idéologie. Nous avons ouvert spécialement un salon IRC
pour accueillir les nouveaux arrivants, afin de pouvoir leur expliquer
notre fonctionnement. Ils peuvent ainsi s'informer, dialoguer avec nous
et participer s'ils le souhaitent. Mais Anonymous ne dispose d'aucune
structure hiérarchique : les discussions se font toujours via les
différents salons du réseau IRC, les sites ou les forums qui relayent
les informations et où se discutent les différentes opérations.
Vers une coupure mondiale d’Internet le 31 mars ?
Il y a quelques jours, le web a découvert l’« Op. GlobalBlackOut ». Des
internautes se réclamant du mouvement Anonymous ont annoncé vouloir
attaquer les 13 serveurs racines d’Internet (l'infrastructure qui
soutient Internet, ndlr) et engendrer ainsi une coupure mondiale le 31
mars. Mais pour nos interlocuteurs, « cette opération n’a aucune
crédibilité. Tout simplement parce qu’Anonymous n’a nullement
l’intention de rendre indisponible un outil que nous utilisons au
quotidien et que nous défendons fermement ». D’autant que « cette
opération est techniquement irréalisable et reflète le triste niveau des
gens qui l’ont annoncée.
Comment peut-on résumer votre combat ?
Anonymous se bat pour les libertés, la justice
et respect de la dignité humaine, le droit à l'anonymat et le respect
de la vie privée de chacun, sur Internet comme ailleurs. La liberté est
un droit auquel rien ni personne ne peut s'opposer. Anonymous dénonce
toutes les censures existantes, HADOPI, ACTA, SOPA, PIPA (des lois ou
projets de lois français, européens et américains qui, selon eux,
menacent la liberté sur Internet, ndlr) qui nuisent à la liberté de
chacun. Internet est né libre et doit le rester. La connaissance et le
savoir n'ont de valeur que s'ils sont partagés par tous. Nous mettrons
tout en œuvre pour préserver ce droit. Nous ne faisons que défendre des
principes fondamentaux.
Avec les manifestations dans la rue, le mouvement est-il en train d’évoluer ?
Rien n'empêche un individu de prendre part à une manifestation. Elles
permettent de créer une passerelle entre le virtuel et le réel.
Anonymous est une idée née du monde virtuel pour vivre dans le monde
réel... Les manifestations permettent au public d’accéder aux messages
des Anonymous de façon directe. Le mouvement gagnant en ampleur,
celui-ci veut naturellement gagner en visibilité et se séparer de son
image principale de hackers. Nous utiliserons tous les moyens que nous
jugerons bons et nécessaires pour défendre nos idées.
Anonymous et les sites pédophiles
Anonymous s'est attaqué à des sites pédophiles, notamment avec l'« Op.
DarkNet» en octobre 2011 qui a permis de dévoiler plus de 1200
identités. Mais le mouvement en a tiré une leçon: «Il s'est avéré que ça
n'a pas eu que des effets positifs sur l'enquête de police, rendant les
preuves accumulées non recevables devant un tribunal. Ainsi nous avons
aujourd'hui pour mot d'ordre de ne plus intervenir ce sur genre de
terrain, même si nous méprisons les personnes s'adonnant à ce genre de
pratique.»
A l’approche de la présidentielle, que pensez-vous de la classe politique en France ?
Les politiques ont un raisonnement et une logique qui ne s'appliquent
pas au monde numérique. Il faut repenser tout un système plutôt que de
s'accrocher à quelque chose qui s'essouffle. ... Le monde dans lequel
nous évoluons va beaucoup plus vite que celui que nous connaissions il y
a 10 ou 20 ans. En ce qui concerne nos libertés, qu'elles soient
numériques ou non, nous serons présents pour leur rappeler les valeurs
démocratiques et les droits du peuple lors de nos actions et des
manifestations.
Comment voyez-vous l'avenir de votre mouvement ?
Si les gouvernements et les grandes industries prennent en
compte de l'avis des peuples, si dans le futur les dirigeants deviennent
transparents, alors Anonymous n'aura plus de raison d'exister. Mais au
moindre nuage sur la paix et la sécurité de l'Internet, Anonymous
continuera de faire entendre sa voix. Les luttes seront les mêmes
qu'aujourd'hui, même si nos moyens de revendication et de communication
évoluent. Nous serons toujours là pour garantir ce que l'on appelle la
« neutralité du net ».
Auteur : Antonin Chilot
LeParisien.fr- 25 02 2012
http://www.leparisien.fr/high-tech/les-anonymous-internet-est-ne-libre-et-doit-le-rester-25-02-2012-1877842.php