Les Indignés en France : pourquoi ça ne marche pas ?
Les indignés : ce mouvement de protestation européen peine à mobiliser en France.
Oui, les Indignés, qui se sont pourtant baptisés ainsi en référence au petit livre de Stéphane Hessel, auraient tout, sur le papier, pour rencontrer l’opinion d’une grande partie de nos concitoyens. Nous sommes un peuple de révoltés permanents, nostalgique de nos révolutions. La mythologie du pavé née au cours des insurrections qui ont émaillé le XIXème siècle est ancrée dans notre culture. C’est acquis : Gavroche et Enjolras, dans Les Misérables, sont ceux qui ont raison, pas les représentants de l’ordre. Cet esprit demeure dans l’inconscient collectif des Français. Le succès des partis protestataires le prouve. Paris, même embourgeoisé, est toujours un lieu propice à l’esprit de révolte comme le montre le dernier livre d’Eric Hazan, Paris sous tension. Avec la crise, la désespérance sociale est là, presqu’aussi présente qu’en Angleterre, en Espagne ou en Italie. Et pourtant, ça ne prend pas. La mobilisation des Indignés est faiblarde, ces militants d’un nouveau genre, pacifiques, souvent novices dans l’activisme, restent peu nombreux en France. Hier, le campement sauvage des Indignés devant Bercy, siège du ministère de l’économie et des finances, était symbolique, dans tous les sens du terme. Il s’est d’ailleurs fait déloger sans ménagement par la police dans une indifférence générale…
Alors pourquoi ça ne marche pas ?
Il y a plusieurs explications… La première est classique, en période électorale, les mobilisations sont plus dures à activer. L’idée de pouvoir voter bientôt peut faire patienter. Et puis, la France a une spécificité : notre pays a intégré la révolte, il l’a institutionnalisé et contrairement aux Espagnols, aux Anglais ou aux Italiens, l’offre politique française permet, peu ou prou, à tous ceux qui portent cette révolte en eux, tous ceux qui bouillent de colère contre les inégalités, de se sentir représenter par un parti politique installé. Deux partis trotskistes, le PC, le Front de Gauche avec, aujourd’hui, un leader comme Jean-Luc Mélenchon qui, après -dans d’autres styles- George Marchais, Arlette Laguiller ou Olivier Besancenot, entretient, par sa verve, l’esprit révolutionnaire Français. Les manifestations entre République et Bastille, les drapeaux rouges, les banderoles syndicales se donnent des airs révolutionnaires mais sont, en réalité, un élément structurant de notre système. Même la Fête de l’Huma est une institution, comme le salon de l’auto, annuelle, populaire et sponsorisée. La subversion a bonne presse en France et, du coup, est sans cesse récupérée et détournée. Même l’extrême droite, le parti de l’ordre, tente d’embrayer sur le discours de la révolte sociale. Autre explication : les Indignés le sont, non pas contre la nature de la société, mais contre le peu de place que celle-ci leur réserve. Ou alors, quand ils contestent l’organisation de la société, ils n’ont pas de vision limpide de celle qu’il faudrait instaurer à la place. Le pouvoir financier, protéiforme et nébuleux qui écrase les peuples est indéfinissable, insaisissable, la cible est floue. On sait bien que le vrai pouvoir n’est ni à l’Elysée ni à l’Assemblée, ni même au MEDEF. Combattre ce pouvoir évanescent nécessite un retour des Etats, des autorités élues… L’action qu’il convient de mener est donc tout sauf révolutionnaire au sens 1789 puisqu’il s’agit, non pas de renverser le pouvoir, mais au contraire de rendre du pouvoir au pouvoir… Convenons que ça a de quoi dérouter l’esprit de révolutionnaire !
ECOUTER L'EMISSION RADIO
http://www.franceinter.fr/emission-l-edito-politique-les-indignes-en-france-pourquoi-ca-ne-marche-pas
FRANCE INTER - Thomas Legrand
Les indignés : ce mouvement de protestation européen peine à mobiliser en France.
Oui, les Indignés, qui se sont pourtant baptisés ainsi en référence au petit livre de Stéphane Hessel, auraient tout, sur le papier, pour rencontrer l’opinion d’une grande partie de nos concitoyens. Nous sommes un peuple de révoltés permanents, nostalgique de nos révolutions. La mythologie du pavé née au cours des insurrections qui ont émaillé le XIXème siècle est ancrée dans notre culture. C’est acquis : Gavroche et Enjolras, dans Les Misérables, sont ceux qui ont raison, pas les représentants de l’ordre. Cet esprit demeure dans l’inconscient collectif des Français. Le succès des partis protestataires le prouve. Paris, même embourgeoisé, est toujours un lieu propice à l’esprit de révolte comme le montre le dernier livre d’Eric Hazan, Paris sous tension. Avec la crise, la désespérance sociale est là, presqu’aussi présente qu’en Angleterre, en Espagne ou en Italie. Et pourtant, ça ne prend pas. La mobilisation des Indignés est faiblarde, ces militants d’un nouveau genre, pacifiques, souvent novices dans l’activisme, restent peu nombreux en France. Hier, le campement sauvage des Indignés devant Bercy, siège du ministère de l’économie et des finances, était symbolique, dans tous les sens du terme. Il s’est d’ailleurs fait déloger sans ménagement par la police dans une indifférence générale…
Alors pourquoi ça ne marche pas ?
Il y a plusieurs explications… La première est classique, en période électorale, les mobilisations sont plus dures à activer. L’idée de pouvoir voter bientôt peut faire patienter. Et puis, la France a une spécificité : notre pays a intégré la révolte, il l’a institutionnalisé et contrairement aux Espagnols, aux Anglais ou aux Italiens, l’offre politique française permet, peu ou prou, à tous ceux qui portent cette révolte en eux, tous ceux qui bouillent de colère contre les inégalités, de se sentir représenter par un parti politique installé. Deux partis trotskistes, le PC, le Front de Gauche avec, aujourd’hui, un leader comme Jean-Luc Mélenchon qui, après -dans d’autres styles- George Marchais, Arlette Laguiller ou Olivier Besancenot, entretient, par sa verve, l’esprit révolutionnaire Français. Les manifestations entre République et Bastille, les drapeaux rouges, les banderoles syndicales se donnent des airs révolutionnaires mais sont, en réalité, un élément structurant de notre système. Même la Fête de l’Huma est une institution, comme le salon de l’auto, annuelle, populaire et sponsorisée. La subversion a bonne presse en France et, du coup, est sans cesse récupérée et détournée. Même l’extrême droite, le parti de l’ordre, tente d’embrayer sur le discours de la révolte sociale. Autre explication : les Indignés le sont, non pas contre la nature de la société, mais contre le peu de place que celle-ci leur réserve. Ou alors, quand ils contestent l’organisation de la société, ils n’ont pas de vision limpide de celle qu’il faudrait instaurer à la place. Le pouvoir financier, protéiforme et nébuleux qui écrase les peuples est indéfinissable, insaisissable, la cible est floue. On sait bien que le vrai pouvoir n’est ni à l’Elysée ni à l’Assemblée, ni même au MEDEF. Combattre ce pouvoir évanescent nécessite un retour des Etats, des autorités élues… L’action qu’il convient de mener est donc tout sauf révolutionnaire au sens 1789 puisqu’il s’agit, non pas de renverser le pouvoir, mais au contraire de rendre du pouvoir au pouvoir… Convenons que ça a de quoi dérouter l’esprit de révolutionnaire !
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FRANCE INTER - Thomas Legrand