MAYOTTE, OU LE VRAI VISAGE DE LA RÉPUBLIQUE COLONIALE
Mayotte est une petite île de 40 km de
long située entre Madagascar et le continent africain, dans
l’archipel des Comores. Elle est devenue le 101 ème département
français le 1 er avril 2011, du moins aux yeux des autorités
françaises, car aux yeux de la communauté internationale il en est
autrement. En effet en 1975 lors du vote pour l’indépendance des
Comores[sup]1[/sup],
la France a arraché Mayotte à ses 3 îles sœurs, au mépris des
lois internationales[sup]2[/sup]
qui imposent le respect de l’intégrité des frontières issues de
la colonisation.
Cette technique du coucou consistant à
s’installer de force a déjà été condamnée une vingtaine de
fois par l’ONU. L’empire colonial français n’a que faire de
ces réprimandes non contraignantes face aux intérêts
géostratégiques sur place[sup]3[/sup] :
contrôle du canal du Mozambique où passent les pétroliers, grandes
oreilles pour l’écoute sur le Sud de l’Afrique, port en haut
profonde en cas de conflit…
Comme dans toute histoire coloniale, il
y a quantité d’injustices, mais j’aimerais insister ici sur la
politique de déportation massive employée. Aucun système
d’expulsion n’est éthique ni tolérable, mais celui de Mayotte
remporte la palme française dans le genre!
Pour faire simple vis-à-vis des lois
internationales, les français qui ne sont donc pas chez eux ici
expulsent des comoriens de leur propre territoire au nom de la loi
française… Ceci constitue un déplacement forcé de populations
contre leur gré, ce qui est un crime contre l’humanité passible
de la Cour Pénale Internationale[sup]4[/sup]!
Quand ont vous dit qu’impossible n’est pas français…
DE LA POLITIQUE DE DEPORTATION
Les 3 dernières décennies ont vu les
îles des Comores sombrer sous les méfaits habituels de la
Françafrique avec ses dictateurs marionnettes de la DGSE ou du
célèbre Bob Dénard[sup]5[/sup].
La politique de déportation massive est poussée par la croissante
politique du chiffre.
Faisons honneur à la politique du
ministère de l’intérieur et parlons chiffres un peu : en
2010, record battu avec 26405 expulsions (dont 6400 mineurs) [sup]6[/sup]
sur une population d’environ 200 000 habitants. Près de 50%
de la population est de nationalité comorienne avec une grande
majorité de « Klandestins ». La présence accrue de la
Police Aux Frontières (personnel plus que triplé ces dernières
années) fait peser un stress quotidien sur les comoriens. Ces
contrôles ont de nombreuses conséquences directes à commencer par
un problème d’accès aux soins, les dispensaires étant vides les
jours de rafle importante.
Au niveau des luttes en faveurs des
sans papiers, il existe certes quelques organismes tel que RESF ou la
Cimade, mais leurs actions manquent de cohésion et restent
insuffisantes pour ébranler l’énorme dispositif répressif à
70millions d’euros mis en place[sup]7[/sup].
Une manifestation a eu lieu en février 2011 en mémoire des
« klandestins » disparus en mer dans leurs bateaux de
fortune. 300 à 400 personnes ont participé à cette première,
mais ce qui a été le plus surprenant c’est que dans les jours
suivant les élus ont organisé une contre manif pour affirmer leurs
soutiens aux décisions de la métropole. Cette contre manif a
brassé des milliers de mahorais soucieux de défendre leurs pécules
et a été fortement encensée par la presse locale. Ce n’est quand
même pas courant, des élus qui se félicitent à voix haute de la
mort de « klandestins ». Et des morts il y en a eu :
au moins 8000 depuis 1995[sup]8[/sup]
faisant des 70 km qui séparent Anjouan de Mayotte un énorme
cimetière marin.
En métropole nous luttons contre les
lois injustes qui touchent les sans papiers, ici nous luttons pour
qu’elles soient appliquées, ce qui serait pour un premier temps
une avancée énorme tant les abus sont nombreux. En voici quelques
exemples : le CRA[sup]9[/sup]
déjà, d’une capacité de 60 personnes pour une surface de 137m²
et quotidiennement rempli par 140 personnes, ce chiffre pouvant
parfois atteindre les 250 têtes de bestiaux. Il n’est bien
évidemment pas habilité à accueillir des mineurs, mais le ministre
se justifie en invoquant l’aspect humanitaire de sa tolérance[sup]10[/sup].
Il omet peut être les mineurs isolés expulsés sans leurs parents
ou avec des inconnus arbitrairement désignés comme parents. La
préfecture ensuite, en dehors de sa mauvaise foi hors du commun, on
peut noter ses condamnations[sup]11[/sup]
pour avoir volontairement modifié les dates de naissances de mineurs
et ainsi pouvoir les expulser. Pour les jeunes femmes qui font leurs
démarches pour un titre de séjour certains employés de la
préfecture vont jusqu’à leur proposer de coucher pour débloquer
leurs dossiers. Pour quelques privilégiés ayant des relations il
est aussi possible d’acheter son titre de séjour moyennant 600
euros, quand on travaille à la préfecture on a le sens du service !
Certaines mairies ont des politiques plus qu’agressives, par
exemple le maire de Bandrélé qui a fait brûler 28 habitations de
sans papiers il y a quelques années. La gendarmerie et la PAF ont
pour pratiques courantes les violations de domiciles pour procéder
aux rafles à toute heure[sup]12[/sup],
ainsi que l’utilisation de gaz lacrymogènes sur enfants, les
témoins étant souvent en situation irrégulière, aucune
plainte n’est posée…
Les pratiques honteuses ne manquent
pas. Elles sont autant de rides dans le visage vieillissant d’un
empire colonial qui aime à s’autoproclamer République française !
Pour celles et ceux qui trouveraient
que je dresse ici un tableau noir de ce qui se passe, je tiens à les
réconforter en terminant sur une note positive… un hôtel Hilton
va bientôt être construit sur l’île, quand on sait que 40% des
logements de l’île sont insalubres[sup]13[/sup],
nous voilà rassurés quant au bon accueil des touristes blancs.
Un membre du collectif N.O.U.S.
1
« Un aller simple pour Maoré » documentaire d’Agnès
Fouilleux
2
Pierre Caminade « Mayotte Comores, une histoire néocoloniale »
Dossier Noir numéro 19, Agone
3
Pierre Caminade « Mayotte Comores, une histoire néocoloniale »
Dossier Noir Numéro 19, Agone
4
Statut 7d de la CPI
5
« Bob Dénard : profession mercenaire» documentaire de
Thomas Risch
6
Chiffres donnés par le préfet au journal Malango actualité numéro
292 du 27/01/2011
7
Alors que le budget de l’Union des Comores est de 40 millions
d’euros. Pierre Caminade « Comores-France :
l’insoutenable légèreté du pouvoir » Billets d’Afrique
numéro 197, décembre 2010
8
Date d’instauration du Visa Balladur –Pasqua
9
Taper cra mayotte sur youtube, pour visualiser les conditions
inhumaines
10
Upanga numéro 44 du 15/06/2011, Nicolas Bérard « Les
pansements de la verrue »
11
Upanga numéro 23 du 18/05/2010, Juliette Camuzard « Un mineur
expulsé, la préf condamnée »
12
Violation de l’article 59 du code de procédure pénale
13
Upanga numéro 43 du 01/06/2011, Nicolas Bérard « Une ile en
voie de bidonvilisation »
Mayotte est une petite île de 40 km de
long située entre Madagascar et le continent africain, dans
l’archipel des Comores. Elle est devenue le 101 ème département
français le 1 er avril 2011, du moins aux yeux des autorités
françaises, car aux yeux de la communauté internationale il en est
autrement. En effet en 1975 lors du vote pour l’indépendance des
Comores[sup]1[/sup],
la France a arraché Mayotte à ses 3 îles sœurs, au mépris des
lois internationales[sup]2[/sup]
qui imposent le respect de l’intégrité des frontières issues de
la colonisation.
Cette technique du coucou consistant à
s’installer de force a déjà été condamnée une vingtaine de
fois par l’ONU. L’empire colonial français n’a que faire de
ces réprimandes non contraignantes face aux intérêts
géostratégiques sur place[sup]3[/sup] :
contrôle du canal du Mozambique où passent les pétroliers, grandes
oreilles pour l’écoute sur le Sud de l’Afrique, port en haut
profonde en cas de conflit…
Comme dans toute histoire coloniale, il
y a quantité d’injustices, mais j’aimerais insister ici sur la
politique de déportation massive employée. Aucun système
d’expulsion n’est éthique ni tolérable, mais celui de Mayotte
remporte la palme française dans le genre!
Pour faire simple vis-à-vis des lois
internationales, les français qui ne sont donc pas chez eux ici
expulsent des comoriens de leur propre territoire au nom de la loi
française… Ceci constitue un déplacement forcé de populations
contre leur gré, ce qui est un crime contre l’humanité passible
de la Cour Pénale Internationale[sup]4[/sup]!
Quand ont vous dit qu’impossible n’est pas français…
DE LA POLITIQUE DE DEPORTATION
Les 3 dernières décennies ont vu les
îles des Comores sombrer sous les méfaits habituels de la
Françafrique avec ses dictateurs marionnettes de la DGSE ou du
célèbre Bob Dénard[sup]5[/sup].
La politique de déportation massive est poussée par la croissante
politique du chiffre.
Faisons honneur à la politique du
ministère de l’intérieur et parlons chiffres un peu : en
2010, record battu avec 26405 expulsions (dont 6400 mineurs) [sup]6[/sup]
sur une population d’environ 200 000 habitants. Près de 50%
de la population est de nationalité comorienne avec une grande
majorité de « Klandestins ». La présence accrue de la
Police Aux Frontières (personnel plus que triplé ces dernières
années) fait peser un stress quotidien sur les comoriens. Ces
contrôles ont de nombreuses conséquences directes à commencer par
un problème d’accès aux soins, les dispensaires étant vides les
jours de rafle importante.
Au niveau des luttes en faveurs des
sans papiers, il existe certes quelques organismes tel que RESF ou la
Cimade, mais leurs actions manquent de cohésion et restent
insuffisantes pour ébranler l’énorme dispositif répressif à
70millions d’euros mis en place[sup]7[/sup].
Une manifestation a eu lieu en février 2011 en mémoire des
« klandestins » disparus en mer dans leurs bateaux de
fortune. 300 à 400 personnes ont participé à cette première,
mais ce qui a été le plus surprenant c’est que dans les jours
suivant les élus ont organisé une contre manif pour affirmer leurs
soutiens aux décisions de la métropole. Cette contre manif a
brassé des milliers de mahorais soucieux de défendre leurs pécules
et a été fortement encensée par la presse locale. Ce n’est quand
même pas courant, des élus qui se félicitent à voix haute de la
mort de « klandestins ». Et des morts il y en a eu :
au moins 8000 depuis 1995[sup]8[/sup]
faisant des 70 km qui séparent Anjouan de Mayotte un énorme
cimetière marin.
En métropole nous luttons contre les
lois injustes qui touchent les sans papiers, ici nous luttons pour
qu’elles soient appliquées, ce qui serait pour un premier temps
une avancée énorme tant les abus sont nombreux. En voici quelques
exemples : le CRA[sup]9[/sup]
déjà, d’une capacité de 60 personnes pour une surface de 137m²
et quotidiennement rempli par 140 personnes, ce chiffre pouvant
parfois atteindre les 250 têtes de bestiaux. Il n’est bien
évidemment pas habilité à accueillir des mineurs, mais le ministre
se justifie en invoquant l’aspect humanitaire de sa tolérance[sup]10[/sup].
Il omet peut être les mineurs isolés expulsés sans leurs parents
ou avec des inconnus arbitrairement désignés comme parents. La
préfecture ensuite, en dehors de sa mauvaise foi hors du commun, on
peut noter ses condamnations[sup]11[/sup]
pour avoir volontairement modifié les dates de naissances de mineurs
et ainsi pouvoir les expulser. Pour les jeunes femmes qui font leurs
démarches pour un titre de séjour certains employés de la
préfecture vont jusqu’à leur proposer de coucher pour débloquer
leurs dossiers. Pour quelques privilégiés ayant des relations il
est aussi possible d’acheter son titre de séjour moyennant 600
euros, quand on travaille à la préfecture on a le sens du service !
Certaines mairies ont des politiques plus qu’agressives, par
exemple le maire de Bandrélé qui a fait brûler 28 habitations de
sans papiers il y a quelques années. La gendarmerie et la PAF ont
pour pratiques courantes les violations de domiciles pour procéder
aux rafles à toute heure[sup]12[/sup],
ainsi que l’utilisation de gaz lacrymogènes sur enfants, les
témoins étant souvent en situation irrégulière, aucune
plainte n’est posée…
Les pratiques honteuses ne manquent
pas. Elles sont autant de rides dans le visage vieillissant d’un
empire colonial qui aime à s’autoproclamer République française !
Pour celles et ceux qui trouveraient
que je dresse ici un tableau noir de ce qui se passe, je tiens à les
réconforter en terminant sur une note positive… un hôtel Hilton
va bientôt être construit sur l’île, quand on sait que 40% des
logements de l’île sont insalubres[sup]13[/sup],
nous voilà rassurés quant au bon accueil des touristes blancs.
Un membre du collectif N.O.U.S.
1
« Un aller simple pour Maoré » documentaire d’Agnès
Fouilleux
2
Pierre Caminade « Mayotte Comores, une histoire néocoloniale »
Dossier Noir numéro 19, Agone
3
Pierre Caminade « Mayotte Comores, une histoire néocoloniale »
Dossier Noir Numéro 19, Agone
4
Statut 7d de la CPI
5
« Bob Dénard : profession mercenaire» documentaire de
Thomas Risch
6
Chiffres donnés par le préfet au journal Malango actualité numéro
292 du 27/01/2011
7
Alors que le budget de l’Union des Comores est de 40 millions
d’euros. Pierre Caminade « Comores-France :
l’insoutenable légèreté du pouvoir » Billets d’Afrique
numéro 197, décembre 2010
8
Date d’instauration du Visa Balladur –Pasqua
9
Taper cra mayotte sur youtube, pour visualiser les conditions
inhumaines
10
Upanga numéro 44 du 15/06/2011, Nicolas Bérard « Les
pansements de la verrue »
11
Upanga numéro 23 du 18/05/2010, Juliette Camuzard « Un mineur
expulsé, la préf condamnée »
12
Violation de l’article 59 du code de procédure pénale
13
Upanga numéro 43 du 01/06/2011, Nicolas Bérard « Une ile en
voie de bidonvilisation »