En 2012, nous reprenons le contrôle d’Internet1 janvier 2012 Par bluetouffL’année 2011 sur Internet aura été marquée par de nombreuses affaires relatives à la censure d’Internet. La mise en lumière d’une surveillance de masse des réseaux n’est que la partie visible de l’iceberg. Reflets, aux côtés de Telecomix, FHIMT et beaucoup d’autres contributeurs anonymes, de tous les pays, se sont soulevés à maintes reprises contre cette censure d’Internet. Les épisodes sont nombreux et pourraient devenir pour certains des cas d’école.
Le tournant WikileaksComprendre 2011, c’est avant tout, se re-pencher sur le mois de novembre 2010, période à laquelle Wikileaks sema un véritable vent de panique sur l’ensemble de la diplomatie américaine, puis mondiale, en publiant massivement des câbles diplomatiques. S’appuyant sur une étroite collaboration avec des grands quotidiens nationaux qui ont fait leurs choux gras de ce qu’on appela alors le Cablegate, Wikileaks devint la victime d’une agression dont nous ne connaissions alors pas d’équivalent. Tout a été mis en œuvre pour faire taire Wikileaks. Mais comme souvent sur Internet, tout ne s’est pas passé « comme prévu ». Comme nous l’avions prédit, il y a bien eu un avant et un après Wikileaks. Les rustines que le gouvernement américain apportera en réponse au Cablegate sont le Protect IP Act et le SOPA, deux textes qui s’appuient sur la protection du copyright, dans le seul et unique but d’avoir un levier légal de censure d’Internet. Une échec annoncé qui inspirera malheureusement certainement les législations d’autres pays, dont la France.
Internet s’est soulevéLa réaction d’Internet fut à la hauteur de l’agression dont fut victime Wikileaks. Internet s’est soulevé, de manière massive. Quand Internet se soulève massivement, c’est une forme de conscience et d’intelligence du réseau qui se met en œuvre. Cette conscience et cette intelligence ont mené dans un premier temps à la réplication du site sur plusieurs milliers de sites miroirs. Le message était clair, pour ou contre cette publication, Internet a décidé que nul gouvernement, nulle officine, n’aurait le droit de vie ou de mort sur des données diffusées sur le réseau. C’est au réseau d’en décider. Wikileaks a gagné cette bataille, en faisant réaffirmer au réseau qu’il est Internet, que nul Etat, nul fournisseur d’accès, nulle cellule underground de cyber-guéguerre ne pourrait venir à bout de l’information véhiculée dans les tuyaux d’Internet. Les proxys filtrants, le deep packet inspection, BGP… rien ne peut arrêter l’information. Nous devons tous remercier Wikileaks d’en avoir fait la démonstration. Ce soulèvement d’Internet , nous le devons à Wikileaks, nous avons un devoir de mémoire et de support de ce site qui connait aujourd’hui des problèmes d’ordre financier importants.
C’est donc assez logiquement que les premiers vœux de Reflets pour 2012 iront à Wikileaks.
Le ton est monté, Anonymous s’est installé… pour durerComme les attaques sur Wikileaks ne cessaient pas, allant jusqu’à la saisie unilatérale du nom de domaine Wikileaks.org, Anonymous s’est très logiquement invité dans un débat débat certes viril, mais parfaitement proportionné aux attaques subies par Wikileaks. On peut être d’accord ou pas avec la méthode employée, des dénis de service, mais cette méthode était bien la même que les opposants à Wikileaks utilisaient pour faire taire le site. La réponse étaient donc non seulement proportionnée, mais parfaitement cohérente en terme de rapport de force. Anonymous a donc confirmé notre chère théorie de l’iceberg appliquée à Internet :
« essayez d’enfoncer un iceberg au fond de l’océan, il y a toujours un moment où vous le prenez en pleine tronche ».
Les attaques dont furent victimes Julian Assange et ses proches ne furent pas qu’informatiques, elles se menèrent aussi sur le plan financier puisque les organismes bancaires dont dépendait Wikileaks ont saisi tout les comptes, une fois encore pour étouffer le site. Ces moyens financiers dont le site a besoin pour subsister étaient issus de vos dons. Paypal a donc essuyé, logiquement, les foudres d’Anonymous.
Les prémices du printemps arabeFort de ses coups d’éclats, des ripostes aux agressions subies par Wikileaks, l’idée Anonymous allait marquer un tournant de son histoire. Si Anonymous « ratisse aussi large » c’est bien qu’il n’est qu’une idée, pas un club de bridge. Nous sommes toujours en 2010, le 17 décembre, et Anonymous allait, une fois de plus s’inviter dans un soulèvement, celui de Sidi Bouzid en Tunisie. Read Write Web n’avait eu de cesse, toute l’année, d’alerter l’opinion sur la situation en Tunisie. Internet censuré, internautes espionnés, blogueurs interpelés et emprisonnés, comptes Facebook saisis… il se passait bien quelque chose de grave en Tunisie, mais tout le monde fermait les yeux. Anonymous les a ouvert très tôt, menant une guerre ouverte contre Ammar404, relayant les actions Facebook des Tunisiens en étendant le conflit à des attaques en règle, paralysant des sites gouvernementaux, traquant les surveillants.
Anonymous faisait ici la démonstration d’une théorie que nous soutenons sur Reflets depuis longtemps : Internet est un reflet de notre société, penser que ce qui est sur Internet reste sur Internet est une monumentale erreur. Internet est aussi, parfois un outil de contestation, mésestimer la possibilité qu’une contestation sorte d’Internet et gagne la rue, c’est s’exposer à un risque important.
Reflets adresse donc ses voeux pour 2012 à Anonymous, devenu une véritable icône de ce qu’un contre pouvoir peut être.
Telecomix : les hackers prennent les armes contre la censure du NetDès les événements de Sidi Bouzid, un petit groupe de hackers, bien moins connu qu’Anonymous, a pris le parti de s’assurer que les opposants tunisiens, puis égyptiens, puis libyens, puis syriens… puissent continuer de diffuser de l’information. Le premier tour de force de Telecomix, et probablement le plus méconnu en raison de la complexité du challenge technique, fut l’établissement d’une connectivité Internet vers l’Égypte, par des radio amateurs. Puis, FDN et Telecomix mirent à disposition des numéros de téléphone pour permettre aux opposants égyptiens de continuer à publier textes et vidéos, ce alors que le régime égyptien a ordonné au fournisseurs d’accès Internet locaux un drop massif des routes BGP, plongeant ainsi tout l’Internet égyptien dans un blackout sans précédent.
Telecomix en 2011 montera aussi deux projets majeurs, Streisand.me (cher à l’ami fo0) qui a pour objet de répliquer les données de sites censurés sur des sites miroirs, et Datalove qui énonce et reformule le principe « data centric » d’un Internet comme il devrait toujours être, libre et neutre, acheminant des informations sans distinction possible. Pour reprendre la très belle formule de la député Laure de la Raudière
« les octets naissent libres et égaux en droit ».
Parmi les autres actions marquantes de Telecomix en 2011, on pourra évidemment retenir la mise à nu, puis la publication des journaux de connexion de la censure syrienne, présentant un véritable instantané de l’état de l’art de la censure en Syrie, rendue possible par du matériel Américain, du constructeur BlueCoat. Après enquête du département d’État américain, BlueCoat fut finalement condamné à une lourde amende pour avoir contourné l’embargo commercial US sur la Syrie.
Reflets souhait une excellente année 2012 à Telecomix.
2011, la plus sombre année de la France sur le plan du NumériqueEn France, l’année 2011 a été marquée par un « eG8″. Derrière ce sobriquet de supermarché en ligne se cache une sorte Yalta du Net que souhaitait orchestrer Nicolas Sarkozy. Ce eG8 a été organisé dans le but de promouvoir les initiatives de la présidence de la république, un Internet « civilisé« , l’objectif ici était de « vendre le concept HADOPI », comme le montre ce courrier adressé à Bernard Kouchner qui ambitionnait que la France fasse la promotion de la Liberté d’expression au lieu de celle de la censure du Net. C’est à l’occasion de ce eG8 que Reflets a lancé sa saga Deep Packet Inspection pour tenter de vulgariser ces systèmes de surveillance, d’expliquer leur utilisation, leur fonctionnement et vous mettant en garde contre les abus qui en découlent déjà.
Le marché de la surveillance d’Internet est un secteur sur lequel la France, pays des droits de l’Homme, est très dynamique. C’est en tout cas l’orientation du tout sécuritaire et du Net de la surveillance qui est fait par l’Elysée. Une monumentale erreur économique… mais l’erreur n’est malheureusement pas qu’économique.
Nicolas Sarkozy en devient même la risée du fondateur de l’Electronic Frontier Fondation. Et l’humiliation ne s’arrêtera pas là.
En mai 2011, Reflets décide d’évoquer ce qui allait devenir l’affaire Amesys, ou la vente d’un système de surveillance globale à un dictateur. L’image de la France véhiculée par le « système numérique » de Nicolas Sarkozy est honteux, la France exporte du matériel de répression à un dictateur. Le gros du travail d’investigation, nous le devons à OWNI, un média alternatif dont nous ne pouvons que saluer le travail de la rédaction sur l’année 2011.
Reflets adresse ses meilleurs vœux pour 2012 à OWNI.
R.I.P Riposte graduée (Octobre 2010 – Juin 2011)2011 a également été marquée par le bref fonctionnement de la riposte graduée. En pratique, elle n’aura tenu que huit mois. Comme nous le prédisions en 2009 déjà, la société privée censée fliquer les internautes sur les réseau P2P n’a pas été à la hauteur de la mission qui lui a été confiée. Les ayants-droit ont le chic pour savoir s’entourer de gros cadors. Pour paraphraser un consultant en sécurité informatique qui se reconnaitra « Avant HADOPI déjà, TMG était à classer dans la catégorie charlots« . Mais les vrais charlots, ce sont bien les ayants-droit qui menacèrent Reflets d’une action en justice pour avoir accédé à des données parfaitement publiques, suite à une négligence ultra caractérisée de TMG, et surtout, au non respect des engagements d’audits réguliers de TMG faits à la CNIL et qui conditionnaient pourtant son « mandat » pour fliquer les internautes et manipuler leurs données personnelles, ce en dépit de son manque de qualification pour cette mission.
A ce jour, la connexion de TMG étant la seule connexion coupée par HADOPI, Reflets souhaite pour 2012 à TMG un ping inférieur à un an entre son système d’information et celui de l’HADOPI, ainsi qu’une excellente HADOPI 3 qui sera une fois de plus pour nous l’occasion de franches rigolades (c’est une promesse non électoraliste) sur le dispositif que TMG se dit prêt à mettre en place pour faire la chasse au streaming et au direct download.
2011 : des millions de fantômes raccordés à la fibre optiqueC’est ici un véritable coup de gueule que nous poussons. L’action du gouvernement de Nicolas Sarkozy vis à vis du numérique est une véritable honte, je cite « La France est passée du quinzième rang mondial en 2009 au vingtième en 2010 en termes de dynamisme numérique, soit un recul de cinq places dans l’étude annuelle « Digital Economy Rankings » de l’hebdomadaire économique The Economist. » Le plan numérique 2012 qui promettait le très haut débit pour tous en 2012 n’était lui aussi qu’une fumisterie de plus du ministre Eric Besson qui revoit aujourd’hui ses ambitions à horizon 2020.
Là où la France ambitionnait de devenir un pays en pointe en matière de très haut débit, ses choix de déploiement parfaitement stupides, consistant à raccorder des zones très denses qui bénéficiaient déjà de débits très confortables, est un cuisant échec. La France est actuellement dans le peloton de queue européen du très haut débit… même derrière l’Italie. La France est le quart monde numérique de l’Europe, voici le bilan non bidonné de l’action d’Eric Besson
Dieu merci, le retard ne s’est pas fait que sur le déploiement de la fibre optique, le projet de carte d’identité électronique est lui aussi passé à la trappe.
Reflets adresse ses vœux au Ministre Besson et l’invite à creuser le bitume à coup de pioche pour tenir ses vaines promesses du plan Numérique 2012. Cette année, il ne va pas falloir nous refaire le coup du Label.
A vous tous qui nous lisezReflets.info vient tout juste de souffler sa première bougie, c’est à ce jour plus de deux millions de pages vues, en une année. Plus que nous ne pouvions nous l’imaginer. 2011 fut donc une année très riche pour tous les auteurs de Reflets.info, une année pendant laquelle nous avons tous pris plaisir à échanger avec vous. Pour 2012, notre vœux le plus cher est qu’Internet, c’est à dire vous tous, reprenne le contrôle du réseau. Reprenez le réseau, reprenez ce qui est à vous, reprenez le contrôle de vos données personnelles. Internet est bien trop précieux pour que nous le laissions entre les mains de politiques. Reprendre Internet, ça passe par des choses très simples, à commencer par vous exprimer. Ouvrez vous des blogs et sites, partagez de l’info, échangez, rencontrez. Soyez critiques, ayez la patience d’expliquer. Soyez le réseau !
Reflets adresse également des voeux tout particuliers pour ses confrères de PCInpact et Numérama, les copains Korben, Numendil, Nikopik, Sid, Hoper… tous ces blogueurs que nous lisons toujours avec plaisir et dont nous vous publierons surement un jour une liste exhaustive tant ils sont nombreux et que nous aimerions voir en 2012 encore plus nombreux.
Des vœux tout particuliers également pour les Gus de la Quadrature du Net, qui en 2012 plus que jamais aura besoin de votre soutien, pour les autres gus de FDN et ceux de l’Electronic Frontier Foundation.
Des vœux d’une vie meilleure pour les peuples tunisiens, syriens, égyptiens, yéménites (…), tous les peuples qui essayent de se faire entendre malgré les balles, malgré les chars.
Bonne année 2012 à vous tous et merci de nous lire !
Source: http://reflets.info/en-2012-nous-reprenons-le-controle-d-internet/