Haro sur les contre-pouvoirs des finances locales
Une grande première : les magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) ont refusé de siéger en raison de la réforme qui devrait réduire massivement les contrôles financiers des CRC sur les élus locaux.
Alors que le gouvernement n'a de cesse de rappeler le caractère exemplaire de l'Etat, la lutte contre les conflits d'intérêts, la transparence, il décide, en urgence de faire voter un textedestiné
à réduire le nombre, les moyens et le champ de compétence des CRC. Et
de plus, le texte est présenté en début de vacances scolaires pour être
discuté en deux jours.
Revenons trente ans en arrière. La décentralisation s'est accompagnée
de la création des chambres régionales des comptes chargées de veiller
sur la gestion financière et pas seulement comptable des collectivités
locales.
Ce contrôle n'a pas empêché la déferlante des affaires
politico-financières des années 80-90 mais les magistrats ont
progressivement pris leur marque, trouvé les moyens de donner des
débouchés pénaux aux malversations qu'ils avaient trouvées et permis aux
oppositions de mettre en exergue les lettres des cours critiquant
budget ou comptes.
C'était trop. Avant de quitter le gouvernement, Lionel Jospin supprimait une partie de la compétence des CRC, celle concernant précisément la gestion financière.
Dix chambres au lieu de vingt-deux
Philippe Séguin avait
préparé une réforme reprise après son successeur que contestent les
magistrats des cours. A des critiques de fond s'ajoute aujourd'hui une
critique de forme puisque le député Jean-Luc Warsmann (UMP), a présenté
des amendements destinés à faire « adopter en force et dans la
précipitation » le projet de réforme dans un autre cadre, celui d'un
texte sur les procédures de la justice. Le Syndicat des juridictions
financières (SJF), qui rassemble 70% des 350 magistrats financiers, souligne dans un communiqué :
Ainsi, une fois de plus, la politique de l'oxymore est portée aux
sommets et le pouvoir montre dans quel degré de considération et
d'estime il tient la justice dans ce pays.
« Un coup sévère au contrôle des finances publiques locales »
Il est vrai que les CRC sont les premières à voir les marchés
truqués, les subventions fantômes ou illicites, les petits services
rendus entre amis… pour permettre à une infime minorité de continuer ses
prébendes en toute sérénité, la majorité est prête à passer par pertes
et profits deux des articles de la Déclaration des droits de l'homme les
moins appliqués mais les plus importants dans la démocratie :
« par le refus de leur confier le jugement de la responsabilité
financière des élus locaux et par la réduction de leur présence sur le
territoire ». La réforme « va porter un coup sévère au contrôle des
finances publiques locales en amoindrissant les forces des chambres
régionales qui démontrent pourtant chaque jour qu'elles sont
indispensables à la démocratie locale », considèrent-ils.
Les magistrats contestent en particulier une disposition qui prévoit
que le nombre de CRC sera au maximum de vingt. Philippe Séguin prévoyait
même de remplacer les vingt-deux CRC actuelles – une par région – par
une dizaine de chambres interrégionales absorbées par la Cour des
comptes.
Corinne LEPAGE
7 juillet 2011
sources : http://www.rue89.com/corinne-lepage/2011/07/07/haro-sur-les-contre-pouvoirs-des-finances-locales-212359
Une grande première : les magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) ont refusé de siéger en raison de la réforme qui devrait réduire massivement les contrôles financiers des CRC sur les élus locaux.
Alors que le gouvernement n'a de cesse de rappeler le caractère exemplaire de l'Etat, la lutte contre les conflits d'intérêts, la transparence, il décide, en urgence de faire voter un textedestiné
à réduire le nombre, les moyens et le champ de compétence des CRC. Et
de plus, le texte est présenté en début de vacances scolaires pour être
discuté en deux jours.
Revenons trente ans en arrière. La décentralisation s'est accompagnée
de la création des chambres régionales des comptes chargées de veiller
sur la gestion financière et pas seulement comptable des collectivités
locales.
Ce contrôle n'a pas empêché la déferlante des affaires
politico-financières des années 80-90 mais les magistrats ont
progressivement pris leur marque, trouvé les moyens de donner des
débouchés pénaux aux malversations qu'ils avaient trouvées et permis aux
oppositions de mettre en exergue les lettres des cours critiquant
budget ou comptes.
C'était trop. Avant de quitter le gouvernement, Lionel Jospin supprimait une partie de la compétence des CRC, celle concernant précisément la gestion financière.
Dix chambres au lieu de vingt-deux
Philippe Séguin avait
préparé une réforme reprise après son successeur que contestent les
magistrats des cours. A des critiques de fond s'ajoute aujourd'hui une
critique de forme puisque le député Jean-Luc Warsmann (UMP), a présenté
des amendements destinés à faire « adopter en force et dans la
précipitation » le projet de réforme dans un autre cadre, celui d'un
texte sur les procédures de la justice. Le Syndicat des juridictions
financières (SJF), qui rassemble 70% des 350 magistrats financiers, souligne dans un communiqué :
« Par l'utilisation de la procédure accélérée, lesSous prétexte d'accroître les pouvoirs, la réforme :
parlementaires à l'origine de cette manœuvre, empêcheront ainsi
plusieurs lectures du projet de loi et donc tout débat sur une réforme
qui touche à des institutions cruciales pour l'équilibre de la vie
publique locale. »
- réduit le nombre de chambres à dix (contre vingt-deux),
- réduit les moyens,
- supprime la mission essentielle et « gênante » du jugement de la responsabilité financière des élus.
Ainsi, une fois de plus, la politique de l'oxymore est portée aux
sommets et le pouvoir montre dans quel degré de considération et
d'estime il tient la justice dans ce pays.
« Un coup sévère au contrôle des finances publiques locales »
Il est vrai que les CRC sont les premières à voir les marchés
truqués, les subventions fantômes ou illicites, les petits services
rendus entre amis… pour permettre à une infime minorité de continuer ses
prébendes en toute sérénité, la majorité est prête à passer par pertes
et profits deux des articles de la Déclaration des droits de l'homme les
moins appliqués mais les plus importants dans la démocratie :
»Article 14. Les citoyens ont le droitSelon les magistrats, elle va conduire à un affaiblissement des CRC
de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de
la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre
l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et
la durée.
Article 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
« par le refus de leur confier le jugement de la responsabilité
financière des élus locaux et par la réduction de leur présence sur le
territoire ». La réforme « va porter un coup sévère au contrôle des
finances publiques locales en amoindrissant les forces des chambres
régionales qui démontrent pourtant chaque jour qu'elles sont
indispensables à la démocratie locale », considèrent-ils.
Les magistrats contestent en particulier une disposition qui prévoit
que le nombre de CRC sera au maximum de vingt. Philippe Séguin prévoyait
même de remplacer les vingt-deux CRC actuelles – une par région – par
une dizaine de chambres interrégionales absorbées par la Cour des
comptes.
Corinne LEPAGE
7 juillet 2011
sources : http://www.rue89.com/corinne-lepage/2011/07/07/haro-sur-les-contre-pouvoirs-des-finances-locales-212359